La forêt est particulièrement accueillante pendant les trois mois du printemps. En mars, le sol se couvre de fleurs, en avril les arbres se couvrent de feuilles, et en mai il y a une deuxième période de floraison.

Ici, nous sommes en avril dans la période de développement des feuilles, avec une lumière unique et une ambiance très aérée.

Il fait doux et sec, avec un souffle de vent. Les oiseaux chantent. Il y a aussi, de loin en loin, le bruit des tronçonneuses. La campagne est rarement exempte des sons produits par les activités humaines motorisées. Mais dans mes sites de prédilection, je peux marcher des kilomètres sans croiser d’autres humains.

Marcher dans une telle forêt est l’occasion de réfléchir aux paradoxes de notre époque. Je suis en bonne santé, je dispose d’une voiture qui me rend surhumain, d’une maison chauffée et agréable, d’un accès à toutes les connaissances de l’humanité et de bien d’autres ressources que nos ancêtres n’auraient même pas pu imaginer. Et pourtant la cohérence et robustesse de notre société semblent bien fragiles. J’ai dû acheter une carte de pêche pour être autorisé à circuler en voiture dans tout le département sans risquer d’être puni par les forces de l’ordre, et je dois respecter un couvre feu qui, au prétexte de ralentir une épidémie, concentre les gens dans le temps et l’espace. Dans les grandes villes, les gens sont obligé de porter un masques même s’ils se promènent dans des rues désertes et à grande distance d’autrui. Il y a un mélange nauséabond de science et de croyances. Des contraintes inutiles et infantilisantes, qui semblent n’avoir d’autre but que de dresser les gens à obéir aveuglément à l’autorité, sont mélangées à des mesures pertinentes, justifiées par des connaissances scientifiquement établies.

En me rendant dans cette forêt, en voiture, j’ai croisé des enfants qui allaient à l’école. Notre système éducatif les contraint à passer une grande partie de la journée enfermés dans une salle de classe. Ça n’est déjà pas idéal en période ordinaire. Je suis persuadé qu’une demi journée, avec une classe de 15 élèves et une pédagogie différenciée et centrée sur la personne apprenante, permet un apprentissage plus efficace qu’une journée entière avec une pédagogie traditionnelle et une classe de 30 élèves. Mais de surcroit, en cette période de confinement, les enfants sont astreints à porter un masque toute la journée et on leur interdit d’aller se détendre dans la nature le soir pour cause de couvre-feu. Le masque est nécessaire, mais une demi journée d’école, sans cantine et en demi effectif, diviserait par 4, toutes choses étant égales par ailleurs, le nombre de contaminations en milieu scolaire tout en permettant les mêmes apprentissages et en offrant plus de liberté et des activités plus diversifiées aux enfants. Pourtant, à aucun moment cela n’a été envisagé par nos dirigeants dont les discours, arguments et décisions me paraissent extrêmement simplistes et superficiels.